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Tristesse ou dépression ?: Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses / Jérôme C. C. Wakefield
Titre : Tristesse ou dépression ?: Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses Type de document : texte imprimé Auteurs : Jérôme C. C. Wakefield, Auteur ; Allan V. Horwitz, Auteur Editeur : Mardaga Année de publication : 2010 ISBN/ISSN/EAN : 978-2-8047-0041-6 Langues : Français (fre) Mots-clés : dépression anxiété guerre Psychanalyse Résumé : Extrait de l'introduction
Qu'est-ce que la dépression ?
Comme l'a écrit le poète W. H. Auden, la période qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale a été «l'âge de l'anxiété». Selon lui, l'anxiété intense de ces années-là constituait la réponse humaine normale aux circonstances extraordinaires que furent les destructions totales de la guerre moderne, l'horreur des camps de concentration, le développement de l'arme nucléaire, puis les tensions entre les États-Unis et l'URSS au moment de la Guerre Froide. Si Auden était encore parmi nous, il nous dirait sans doute que ce tournant du XXIe siècle est «l'âge de la dépression». Il y a évidemment une différence décisive entre ces deux époques : alors qu'après la guerre l'anxiété était considérée comme une réponse normale à des circonstances sociales qui nécessitaient des solutions collectives et politiques, nous considérons aujourd'hui la tristesse comme anormale : comme un désordre psychiatrique qui requiert un traitement par des professionnels.
Prenons l'exemple de Willy Loman, le personnage principal de la célèbre pièce d'Arthur Miller Mort d'un commis voyageur, qui est peut-être le personnage de fiction qui représente le mieux le mode de vie américain pendant les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre. Au moment où il aborde la soixantaine, et malgré sa foi dans le rêve américain en vertu duquel travailler dur mène à la réussite, Willy Loman n'a jamais vraiment réussi. Il est criblé de dettes, sa santé se dégrade, il lui est de plus en plus difficile de faire son travail de commis voyageur, et son fils le méprise. Quand il perd son travail, il est forcé d'admettre son échec ; il se suicide dans sa voiture, en espérant que sa famille touchera l'argent de l'assurance. La pièce a eu un succès considérable dès qu'elle a été jouée à Broadway en 1949 parce que Willy Loman incarnait le mode de vie de l'Américain moyen, qui avait voulu s'enrichir mais qui se retrouvait détruit par cette ambition.
La pièce reçut un accueil très différent lorsqu'elle fut rejouée cinquante ans plus tard. Selon un article du New York Times, titré «Donnez du Prozac à cet homme», le metteur en scène de cette nouvelle version avait envoyé le script à deux psychiatres et leur diagnostic fut que Loman souffrait d'un trouble dépressif. L'auteur de la pièce, Arthur Miller, a réagi contre ce diagnostic : «Willy Loman n'est pas dépressif... Il est écrasé par son existence. Il en est là pour des raisons sociales». Le diagnostic des psychiatres est aussi caractéristique de notre époque que Loman l'était de la sienne. Ce que notre culture voyait alors comme réaction à l'échec, nous le regardons maintenant comme maladie psychiatrique. Cette transformation d'un problème social en problème psychiatrique traduit un changement majeur du regard que nous portons sur la nature de la tristesse.Tristesse ou dépression ?: Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses [texte imprimé] / Jérôme C. C. Wakefield, Auteur ; Allan V. Horwitz, Auteur . - Mardaga, 2010.
ISBN : 978-2-8047-0041-6
Langues : Français (fre)
Mots-clés : dépression anxiété guerre Psychanalyse Résumé : Extrait de l'introduction
Qu'est-ce que la dépression ?
Comme l'a écrit le poète W. H. Auden, la période qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale a été «l'âge de l'anxiété». Selon lui, l'anxiété intense de ces années-là constituait la réponse humaine normale aux circonstances extraordinaires que furent les destructions totales de la guerre moderne, l'horreur des camps de concentration, le développement de l'arme nucléaire, puis les tensions entre les États-Unis et l'URSS au moment de la Guerre Froide. Si Auden était encore parmi nous, il nous dirait sans doute que ce tournant du XXIe siècle est «l'âge de la dépression». Il y a évidemment une différence décisive entre ces deux époques : alors qu'après la guerre l'anxiété était considérée comme une réponse normale à des circonstances sociales qui nécessitaient des solutions collectives et politiques, nous considérons aujourd'hui la tristesse comme anormale : comme un désordre psychiatrique qui requiert un traitement par des professionnels.
Prenons l'exemple de Willy Loman, le personnage principal de la célèbre pièce d'Arthur Miller Mort d'un commis voyageur, qui est peut-être le personnage de fiction qui représente le mieux le mode de vie américain pendant les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre. Au moment où il aborde la soixantaine, et malgré sa foi dans le rêve américain en vertu duquel travailler dur mène à la réussite, Willy Loman n'a jamais vraiment réussi. Il est criblé de dettes, sa santé se dégrade, il lui est de plus en plus difficile de faire son travail de commis voyageur, et son fils le méprise. Quand il perd son travail, il est forcé d'admettre son échec ; il se suicide dans sa voiture, en espérant que sa famille touchera l'argent de l'assurance. La pièce a eu un succès considérable dès qu'elle a été jouée à Broadway en 1949 parce que Willy Loman incarnait le mode de vie de l'Américain moyen, qui avait voulu s'enrichir mais qui se retrouvait détruit par cette ambition.
La pièce reçut un accueil très différent lorsqu'elle fut rejouée cinquante ans plus tard. Selon un article du New York Times, titré «Donnez du Prozac à cet homme», le metteur en scène de cette nouvelle version avait envoyé le script à deux psychiatres et leur diagnostic fut que Loman souffrait d'un trouble dépressif. L'auteur de la pièce, Arthur Miller, a réagi contre ce diagnostic : «Willy Loman n'est pas dépressif... Il est écrasé par son existence. Il en est là pour des raisons sociales». Le diagnostic des psychiatres est aussi caractéristique de notre époque que Loman l'était de la sienne. Ce que notre culture voyait alors comme réaction à l'échec, nous le regardons maintenant comme maladie psychiatrique. Cette transformation d'un problème social en problème psychiatrique traduit un changement majeur du regard que nous portons sur la nature de la tristesse.Réservation
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Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité 978-2-8047-0041-6 PSY017 Livre Fédération des Maisons Médicales Livres Prêt possible
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